ECOUTE ET RELATION D’AIDE DANS L’EGLISE
1) POURQUOI ?
Pourquoi l’Eglise propose-t-elle une écoute et une relation d’aide, au niveau de certaines de ses structures ?
Parce que cela fait partie de la mission de l’Eglise. Rappelons que l’Eglise est :
- Peuple de Dieu
- Corps du Christ
- Temple de l’Esprit
Elle participe donc à la mission de salut du Christ qui en est la tête et elle a, de ce fait, autorité pour mener à bien sa part de cette mission par les moyens donnés pour cela par le Seigneur :
- 1) Diffusion de la Bonne Nouvelle
- 2) Administration des sacrements
- 3) Célébrations liturgiques et prière
- 4) Accompagnement des hommes vers le Royaume et, à ce titre, apporter une aide efficace pour cette progression et pour déblayer les obstacles aux quels sont confrontés les hommes.
Ces quatre volets de la mission de l’Eglise sont, bien entendu, intriqués étroitement. L’action de la pastorale sociale concerne plus particulièrement le quatrième de ces points : l’accompagnement des personnes en vue d’une progression vers le Royaume et cela à partir des problèmes qui font obstacle à cette progression. Pour cela, il est nécessaire :
- de déceler l’existence de ces problèmes au sein de la communauté humaine qui nous entoure. Chaque équipe de « Pastorale sociale » a donc comme premier rôle celui de déceler les « cas » nécessitant une aide pour lever les obstacles vers le Royaume.
- de répondre efficacement à ceux qui, pour résoudre leurs problèmes, s’adressent à une structure d’Eglise
QUELLE EST LA SPECIFICITE DE L’ACTION DE L’EGLISE ?
Le Royaume, c’est le plein accomplissement du Plan de Dieu sur la Création.
L’accompagnement réalisé au nom de l’Eglise doit donc viser à cet accomplissement qui passe par la révélation à chaque homme de ce Plan de Dieu sur tous et sur lui.
L’aide apportée à chacun vise essentiellement à la prise de conscience de ce qu’il a dans le Plan de Dieu, des possibilités : - de réaliser sa destinée de Bonheur en adhérant à ce
Plan
- de balayer, par lui-même, avec l’aide de Dieu, avec
l’aide de la collectivité, les obstacles qui constituent les
motifs habituels de la demande d’aide.
On voit bien comment l’aide proposée dépasse celle qu’est susceptible d’apporter la société à ces personnes pour la solution de leurs « problèmes ».
Prenons un exemple classique d’appel à l’aide :
Une femme d’alcoolique se trouve affrontée à : - la brutalité de l’homme – la situation matérielle de dénuement – l’ambiance de peur traumatisant les enfants – les atteintes à la dignité des membres de la famille….Pour résoudre ces problèmes, elle a déjà fait appel aux structures mises en place par la société : services sociaux, médicaux, médiateur, voir plainte à la gendarmerie….sans avoir trouvé une solution satisfaisante à ses problèmes. Pourquoi ?
Parce que la « société » ne peut envisager la solution des « problèmes » que selon le point de vue :
- de chaque personne
- et selon celui de la collectivité
mais absolument pas selon le Plan de Dieu. La société apportera une aide pouvant être très utile mais forcément limitée, partielle, controversée du fait de la divergence des intérêts des uns et des autres. Elle oeuvre dans le cadre d’une « solidarité » relevant plus de l’utilitaire que de l’amour véritable ! Pour autant, cette aide peut être importante, nullement opposée à celle que doit apporter l’Eglise et ne doit pas être négligée.
Ainsi, un psychanalyste peut aider à prendre conscience de l’origine de certains troubles, mais, du fait de sa « neutralité » de principe, il ne peut aider la personne à correspondre pleinement au Plan de Dieu. Un psychiatre ou un psychologue peut aider à lever des obstacles
par un traitement médicamenteux, une prise en charge relevant de techniques psychologiques et une assistante sociale peut trouver les solutions concrètes pour résoudre un problème matériel.
Mais ce que l’accompagnateur va réaliser dans le cadre de l’écoute et relation d’aide de l’Eglise est tout à fait spécifique de la mission de l’Eglise: fournir les moyens à ce frère, cette sœur en Christ, de réaliser ce qu’il est dans le Plan de Dieu, ce à quoi il est appelé, tout en suggérant certains moyens que l’intéressé va lui-même décider de mettre en œuvre, selon un choix librement posé afin de régler ses problèmes. Il s’agit de responsabiliser la personne et, tout en l’aidant matériellement, l’amener à comprendre, par exemple, ce qui a pu favoriser l’alcoolisme du mari dans ses propres attitudes à elle, etc… Cela est déjà, en fait, une « conversion », rendue possible par une autre « conversion », celle de l’accompagnateur !
En effet, maintenant que nous voyons l’impérieuse nécessité d’intervention de l’Eglise pour aider les hommes, il faut voir comment réaliser cela en conformité avec le Plan de Dieu. !
2) COMMENT ?
( ou : les impératifs de l’écoute et relation d’aide, dans le Plan de Dieu). !
On va donc voir :
- Ce que doit être la relation d’aide et l’écoute
- Le déroulement de la relation d’aide. C'est-à-dire : comment nous fonctionnons dans nos relations (donc dans la relation d’aide !), les causes de complexité de la relation, dont les filtres, la complexité de la personne humaine (avec l’analyse structurelle et transactionnelle), notre position de vie (c'est-à-dire comment se situe chacun par rapport aux autres et à Dieu), l’influence du regard que nous portons sur les autres et sur nous-mêmes.
- Quelques préalables à la relation d’aide. Etude des ambivalences et malentendus au cours de la relation etc…
- Les « pièges » de l’écoute et de la relation d’aide
CE QUE DOIT ETRE LA RELATION D’AIDE
L’homme est un être de relation car Dieu Lui-même est relation entre Père, Fils, Esprit. A travers la relation il va découvrir qui il est, normalement d’abord auprès de ses parents auxquels le petit enfant fait a priori confiance. Mais, à cause de leurs propres blessures, les parents ne peuvent donner à l’enfant qu’une idée déformée de ce qu’il est. Or il est un être d’amour, merveille de Dieu et pour Dieu, mais vulnérable, fragile et pécheur.
Le rôle de l’accompagnateur est, à travers son accueil et son écoute, de restituer à l’accompagné la véritable image qu’il est, celle de Dieu et donc, un être d’amour avec un besoin fondamental d’être aimé et d’aimer et les capacités pour cela !
Avec l’accompagné, je suis médiateur entre lui et Dieu, afin qu’il puisse entendre et comprendre ce que Dieu lui dit et non ce que je dis et pense.
Je dois permettre à l’autre de mettre en oeuvre la solution que lui-même va trouver et que Dieu veut pour lui, à partir de la découverte de ce qu’il est réellement, à travers la prise de conscience de son comportement et des motivations de celui-ci, à travers ses réactions au comportement de l’autre. Je ne dois pas dire ni faire à sa place, sous prétexte que « je sais et lui ne sais pas » !
L’ATTENTE DE L’ACCOMPAGNE ET NOTRE ROLE DE TEMOIN
La personne qui demande aide met en commun avec moi ses problèmes car elle a une attente qui est la résolution de ceux-ci.
La plupart du temps elle quête auprès de moi une solution qui est :
- soit une solution « magique » : elle pense que j’ai un moyen « d’obliger Dieu » à satisfaire son désir (prière efficace à cent pour cent ou formule infaillible !)
- soit une solution toute faite émanant de mon expérience et de mon autorité.
Dans ces deux cas, cette personne n’a pas l’intention de se remettre en cause profondément et voit mal pourquoi elle le ferait.
Cependant, cette personne a une attente qui n’est pas neutre : elle connaît mon étiquette chrétienne et pense que je puis lui fournir une solution à tonalité spirituelle !
Pour autant, je ne dois pas faire de prosélytisme (ce qui ne serait que du « donnant donnant ») ! Mais je dois, par contre, être témoin : comme Jean Baptiste, désigner l’agneau de Dieu !
Avant d’aborder l’écoute et la relation d’aide, chacun d’entre nous doit faire ce que Jésus nous recommande dans les paraboles du constructeur de tour et du roi qui part en guerre
LE DEROULEMENT DE LA RELATION
La relation est complexe car nous sommes complexes : corps, âme psycho affective, esprit.
Nous sommes modifiés par nos multiples blessures qui changent notre regard et provoquent des défenses empêchant de nous voir l’un l’autre tel que nous sommes réellement !
CAUSES DE COMPLEXITE DE LA RELATIO N
A) Les filtres entre nous :
- L’idéal du moi : c’est le « surmoi » des obligations et interdictions qui ont façonné en moi une « grille d’appréciation » selon laquelle je « juge » l’autre, moi et même Dieu.
Je désire être selon cet idéal et je vois Dieu comme une projection à l’infini de cet idéal du moi. Par exemple, si j’ai l’ordre pour idéal au point que je ne puis souffrir le moindre désordre dans la chambre de mes enfants ….ou les affaires de mon mari ou de ma femme, je réagirai négativement, sans même m’en rendre compte, devant le désordre dans lequel la personne qui vient me voir a mis ses papiers ! (qui est le reflet du désordre de sa vie ?)
- L’idéal parental : il correspond à l’expérience d’amour que j’ai eue avec mes parents. Positive ou négative, selon le cas et que je risque d’appliquer aux autres, voir même à Dieu, sans discernement. Ainsi, une expérience de père violent favorise la vision d’un Dieu terrible, celle d’un père « copain » induit un manque de confiance en Dieu.
Une mère captative fait voir Dieu comme castrateur…
Autant de visions déformées qui sont de véritables idoles et faussent l’examen objectif d’une situation et, par conséquent, la relation.
- Les constructions intellectuelles : produits de mes pensées élaborés à partir
de mes « expériences » (par exemple : « tous les hommes sont coureurs, toutes les femmes sont superficielles, dépensières …etc ! »). Ces conclusions erronées vont gêner l’appréciation objective de la réalité, dans la relation.
Tous ces filtres entraînent des réactions de défense, en fait illégitimes et qui détournent de l’amour nos relations avec autrui. D’où agressivité, justification, oubli, fuite dans l’imaginaire (passé ou futur), convoitises. Toutes ces déviations du chemin qui mène au Royaume viennent d’un refus de ce qui nous est proposé par Dieu à travers les événements de notre vie et en particulier les épreuves. Tout est alors occasion d’obstacle du fait de choix malencontreux posé par nous devant les événements et qu’il convient, dés lors, de rectifier pour reprendre le chemin du Royaume ! Ainsi, dans l’exemple de la femme d’alcoolique, celle-ci aura tendance à le marginaliser et à renforcer un « sentiment de culpabilité » qui est peut-être, précisément » à l’origine de cet alcoolisme !
La prise de conscience de tout cela aidera la personne aidée….à condition que l’accompagnateur ait pris conscience, lui aussi, de ses propres filtres !
B) La complexité de notre personne :
ELEMENTS DE NOTRE PERSONNALITE INTERVENANT DANS NOS
RELATIONS
Ils nous sont révélés par :
L’ANALYSE STRUCTURELLE (cf aussi : schéma « diagramme fonctionnel »)
C’est regarder comment toute personne se comporte, dans ses relations, en fonction des composantes de sa personnalité. Nos réactions, en effet , sont sous l’influence d’une partie de nous-mêmes représentant nos parents, une autre représentant l’adulte raisonnable que nous sommes devenus et enfin une troisième représentant l’enfant qui continue à exister en nous. A chacune de ces composantes de nous-même correspondent tout un système de sentiments et un système de comportements caractéristiques de cette composante.
En chacun de nous il y a :
- un Parent, pouvant réagir selon ce que nous auraient commandé nos parents dans cette circonstance, ou selon ce qu’eux auraient fait (« fais ce que je te dis » ou « fais comme moi ! »)
- un Adulte, réagissant selon la raison, en fonction de la réalité.
- un Enfant, pouvant réagir comme enfant adapté ou comme enfant spontané. De plus, dans ces deux états distincts, notre « Enfant » peut être soit soumis, soit insoumis à l’influence des autres états de la personne en question (en principe, au « Parent »).
L’enfant adapté, c’est celui qui modifie son comportement sous l’influence parentale :
- soit dans la soumission, à laquelle il s’adapte.
- soit dans une réaction, variable (pour court- circuiter l’autorité parentale : en faisant preuve de précocité et en se dérobant, ou en la fléchissant…par exemple en pleurant !)
L’Enfant spontané, lui, s’exprime spontanément : ce peut être en ne tenant aucun compte de l’avis des parents, ou en créant des conditions favorables à la satisfaction de ses désirs.
Un exemple illustrant cela est fourni par l’alcoolique chez qui l’intoxication commence à démettre d’abord le « Parent », libérant ainsi « l’Enfant » dans sa composante « spontanée », provoquant le scandale de l’entourage (au niveau de l’Adulte et du Parent).
En l’«Enfant » résident l’intuition, la créativité, l’amusement, ….
L’ « Adulte » est indispensable pour la survie. Il traite la réalité et s’y adapte, mesure ses succès et ses erreurs…Il réglemente l’activité Enfant et Parent, objectivement.
Le « Parent » permet à la personne de remplir son rôle réel de parent et fait gagner du temps en imposant sans discussion superflue, les actions les plus courantes car « c’est comme cela qu’il faut faire ! ».
Chacun de ces trois éléments de la personnalité a son rôle effectif, réel, sa place irremplaçable en nous.
« Si vous ne redevenez pas comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux » nous dit Jésus qui, par ailleurs, nous prescrit d’honorer père et mère et nous demande d’adhérer à la Vérité toute entière, celle de la raison éclairée par la grâce et qui devrait se trouver en tout humain adulte raisonnable (en tant qu’Adulte !) !
Chacun de ces éléments est également respectable. Mais entre eux il doit y avoir un équilibre dont dépend notre croissance en amour et personnalité.
COMMENT CES ELEMENTS INTERVIENNENT
Cela est étudié dans :
L’ANALYSE TRANSACTIONNELLE
Dans tout groupe, la relation entraîne tôt ou tard une « transaction », qui est une sorte d’échange entre personnes. On nomme ce phénomène un « stimulus transactionnel ». Il provient de l’une des trois composantes d’une des personnes du groupe où se passe la relation et s’adresse à une composante d’un ou de plusieurs autres membres.
Or, chacun de nous porte en lui un Parent, un Enfant, un Adulte. La transaction la plus habituelle est celle qui relie deux Adultes, puis celle entre Enfant et Parent. Il y a toutes chances pour que la réaction suivant la stimulation soit complémentaire de celle-ci et réponde donc à l’attente de la composante qui a commencé la transaction. En effet, la réaction a suivi le bon ordre naturel des relations humaines. Tant que les réponses aux stimulations sont complémentaires de celles-ci, la relation continue, quelque soit le contenu de l’échange. La réaction agissant à son tour comme un stimulus a entraîné une nouvelle réaction et ainsi de suite.
A noter que la complémentarité peut concerner deux composantes similaires (Parent-Parent, par exemple), ou deux composantes différentes (Le Parent de l’un s’adressant à l’Adulte ou à l’Enfant de l’autre et recevant de lui la réponse complémentaire attendue). On est là dans le cas de la plupart des relations interpersonnelles courantes et superficielles.
Par contre, si, au lieu de la composante complémentaire sollicitée par le stimulus, c’est une autre composante qui répond, il y a alors croisement…et rupture de dialogue. Cela se passe ainsi quand un Adulte sollicite l’Adulte de l’autre et que ce dernier, débordé par sa réaction, laisse la place à l’Enfant ou au Parent. Cette autre composante va répondre non pas à l’Adulte demandeur mais au Parent ou à l’Enfant. Or, l‘interlocuteur ne s’attendait pas à cette intervention (par exemple à l’intervention du Parent de l’autre dont le caractère possiblement autoritaire va le froisser !). En retour il va mal réagir la plupart du temps. A moins que l’Adulte court-circuité ne réactive la composante indûment sollicitée (le Parent, sollicité par l’Enfant, ou l’Enfant, sollicité par le Parent !). La question posée initialement a été, par exemple : « as-tu vu mes lunettes ? » et l’Adulte de l’autre devrait répondre soit « non »soit « oui, a tel endroit ». Mais, si l’Adulte ainsi sollicité a laissé la place au Parent, la réponse sera « pourquoi ne fais tu pas attention à tes propres affaires ! ? » et le dialogue sera bloqué. Dans le cas de réactions croisées, la véritable solution est de revenir à la complémentarité Adulte-Adulte, c'est-à-dire de se remettre en vérité (au besoin en utilisant l’humour !).
Quand les relations entre deux personnes sont superficielles, elles restent le plus souvent complémentaires et permettent ainsi de régler les problèmes faciles.
Mais dés qu’entrent en jeu des problèmes intimes, voir secrets qui nous semblent menacer nos désirs les plus chers, le risque de réactions croisées est plus grand car l’un et l’autre sont sur leur garde, souvent dans la peur ou l’agressivité qui en résultent.
QUELQUES EXEMPLES de transactions faussées entre accueilli et accueillant dans la relation d’aide :
- PARENT de l’accueilli visant l’ENFANT de l’accueillant : « Voilà mon problème ! c’est à vous de le résoudre auprès du service qui s’en occupe puisque vous êtes de l’Eglise et que l’Eglise doit s’occuper des pauvres ! »
- PARENT de l’accueillant visant l’ENFANT de l’accueilli : « moi j’ai eu le même problème que vous, voila comment j’ai fait et comment il faut faire dans ce cas là ! »
- ENFANT de l’accueilli visant le PARENT de l’accueillant : « je suis débordé par ce problème et j’ai fait 3 TS, alors, je vous remets tout cela pour que vous me tiriez d’affaire » !
- PARENT de l’accueilli visant le PARENT de l’accueillant : « De nos jours, il n’y a plus de principe ! mes enfants ne m’obéissent plus, mon mari est irresponsable !
De mon temps, avec mes parents, c’était autre chose ! ». Réponse faussée de l’accueillant s’il accepte de suivre l’accueilli sur le même terrain et parle en PARENT lui aussi: « Vous avez bien raison, rien ne va plus dans notre société et je sais ce qu’est un mari difficile ! »
La reprise d’un dialogue véritable demande de revenir à une transaction ADULTE/ADULTE, même si, pour détendre l’atmosphère, par exemple, on peut établir une transaction brève du type ENFANT/ENFANT !
TRANSACTIONS COMPLEXES
Elles mettent en jeu plusieurs composantes de la personne à qui on parle alors qu’on s’adresse apparemment à une seule. Par exemple, un vendeur habile, voyant qu’il a à faire avec une cliente qui est dans le regard des autres et cherche à « en imposer » en paraissant plus que sa véritable condition sociale, présente l’article qu’il veut lui vendre en lui disant d’abord : « voici un article d’excellente qualité ! ». Il s’adresse ainsi à l’Adulte de la cliente et continue dans le même sens en ajoutant « mais si c’est trop cher pour vous, je vais vous montrer quelque chose meilleur marché ». En réalité, il s’est adressé maintenant à l’Enfant de la cliente et cet Enfant va répondre « je prends cela ! »… alors que, raisonnablement elle n’en n’a pas les moyens ! Cette transaction est faussement complémentaire.
Même chose entre le jeune homme qui se promène seul avec une fille dans la campagne et lui déclare (Adulte à Adulte) : « comme c’est passionnant d’explorer un carreau de cannes ! » et l’entraîne dedans, consentante : en réalité, il ne s’agit pas d’une transaction complémentaire mais d’un « jeu » à tonalité sexuelle joué par l’Enfant de chacun ! Derrière l’apparente transaction Adulte- Adulte, il y a une autre transaction, cachée, Enfant-Enfant. On appelle cela : transaction double.
Nous voyons ainsi comment ces sortes de relations complexes que sont les « jeux » comportent une partie cachée, sous des apparences banales. On est alors en dehors de la Vérité et on risque de s’écarter de l’amour.
Habité par la peur, par le "sentiment de culpabilité" provenant du manque d'amour ressenti (mais non réel), l'homme va devoir se "positionner" par rapport à sa vie, par rapport à tout ce qui l'entoure et en particulier....ses semblables, avec lesquels il lui faut vivre.
On a vu que, spontanément, à cause de ses blessures, l'homme répond par l'agressivité. A cause de celle-ci, toutes les relations de l'homme vont être viciées. Même lorsqu'il croit être dans l'amour et la justice, l'individu agresse et blesse.
A plus forte raison lorsqu'il agit contre l'amour.
Et de cela, il ne se rend même pas toujours compte, car il n'est plus dans la vérité, mais dans le mensonge. Le sentiment de culpabilité, qui détermine trop souvent ses actions, est d'ailleurs lui-même un mensonge.
C) INFLUENCE DE LA POSITION DE VIE DANS LA RELATION
Habité par la peur, par le "sentiment de culpabilité "provenant du manque d'amour ressenti (mais non réel), l'homme va devoir se "positionner" par rapport à sa vie, par rapport à tout ce qui l'entoure et en particulier....ses semblables, avec lesquels il lui faut vivre en relation.
On a vu que, spontanément, à cause de ses blessures, l'homme répond par l'agressivité. A cause de celle-ci, toutes les relations de l'homme vont être viciées. Même lorsqu'il croit être dans l'amour et la justice, l'individu agresse et blesse. Encore plus lorsqu'il agit contre l'amour.
Et de cela, il ne se rend même pas toujours compte, car il n'est plus dans la vérité, mais dans l’erreur ou le mensonge. Le sentiment de culpabilité, qui détermine trop souvent ses actions, est d'ailleurs lui-même la conséquence d’une erreur.
-POSITION DE VIE
Par là, on désigne l'attitude générale de la personne dans ses relations avec les autres et découlant du choix de réaction par rapport aux blessures. Spontanément, comme on vient de le voir, nous sommes non dans la vérité, mais dans "l'illusion". Ce que nous croyons être est faux!
Nous croyons que nous ne sommes pas aimés car pas "aimables"(sentiment de culpabilité) et, dans cette "illusion" nous pouvons réagir de deux façons différentes et même diamétralement opposées.
-1) COMME SAUVETEUR :
Dans ce cas, j'ai choisi de provoquer l'amour des autres envers moi à tout prix et par mes propres forces. Je vais leur venir en aide, les "sauver". C'est cela qui devient mon seul but et j'en viens même à oublier que j'ai aussi besoin d'être aimé, d'être "sauvé". C'est moi le fort, le généreux qui donne et n'a pas besoin de recevoir! Cette attitude peut se traduire par deux façons d'être :
Le "sauveteur charitable" : serviable, toujours gentil, évitant de contrarier les autres,
(même quand il le faudrait). Mais les "oeuvres" qu'il fait, ce sont "ses oeuvres" à lui, pas les oeuvres de Dieu! Il les accomplit pour gagner des "mérites"...qu'il présentera fièrement à Dieu lorsqu'il paraîtra devant Lui...et Dieu sera bien obligé, alors, de reconnaître sa sainteté et de le récompenser. S'estimant parvenu déjà à la sainteté, il se permet de juger les autres et les condamne allégrement, méprisant leur imperfection. Se croyant "juste", il ne supporte pas l'humiliation d'être pris en défaut. Devant toute remarque qui pourrait mettre en doute sa "perfection", il se défend vigoureusement et contre-attaque: ce n'est jamais lui qui a tort!...Avouons que nous avons tous souvent cette réaction!
Enfin, il laisse entendre qu'il peut toujours se débrouiller seul : il "donne", mais n'a pas besoin de recevoir!
Le "sauveteur dictateur" agit en forçant les autres...."pour leur bien". C'est lui qui fait parce que c'est lui qui "connaît" :"laisses-moi faire : tu ne sais pas t'y prendre"! Il se passe des autres....et de Dieu et se suffit à lui-même. Il fait donc "ses oeuvres", sans même avoir à accumuler des mérites : il a en lui, croit-il, son propre salut, car il est sans péché.
Lui non plus ne supporte pas l'humiliation de se voir accusé d'une quelconque faute, voir même d'une simple erreur. Il ne perd d'ailleurs pas son temps à discuter avec ses détracteurs, mais il les brise par la force : tous les moyens sont bons pour réduire au silence les opposants. Il juge, condamne et méprise. Est-il heureux pour autant?
En réalité derrière cette façade de superbe assurance, se cache un malaise profond et même une souffrance intense chez cette personne qui prétend "donner" et n'avoir point besoin de recevoir d’autrui. Coupé de l'Amour, il est en "manque" tragique par rapport à son "besoin fondamental" et tourne le dos à ce qui pourrait le combler. A la limite, il peut sombrer dans le délire de la "paranoïa".
Que le "sauveteur" soit "charitable" ou "dictateur", il y a une absence de la composante "accueil" de l'amour et une déviation au niveau de la composante "don". Ce qu'il croit donner comme amour n'en est pas. Coupé de la source d'amour qui est Dieu, il donne aux autres, non pas ce qui est réellement nécessaire pour leur bien véritable, mais quelque chose qui les encombre et les humilie et qui ne correspond pas à ce que Dieu désire pour eux.
-2) COMME VICTIME
Dans ce cas, la personne a choisi, se croyant non aimée, d'obtenir l'amour des autres soit par la force soit par la pitié.
Par la force, c'est le cas de la "victime révoltée". Celui qui se présente avec cette "pancarte" se plaint de l'injustice dont il est victime de la part de tous. D’ailleurs, "tout le monde lui en veut". Pour se "défendre", il attaque en permanence, Dieu et les autres et revendique ce "qu'on lui doit".
Tout ce qui ne va pas est de la faute des autres et lui-même n'a aucune responsabilité là-dedans.
Si, d'aventure, on se permet de lui faire le moindre reproche, il retourne celui-ci contre le gêneur :
"et toi, donc,...tu ne t'es pas regardé!" Eternel insatisfait, insatiable, il exige que l'on approuve son combat....sous peine de devenir adversaire et d'être, par lui, persécuté.
En fait, il ne veut que recevoir (ou, plutôt, accaparer) mais jamais donner.
- Par la pitié, c'est le cas de la "victime écrasée".
Il s'agit généralement d'une personnalité dépressive, voir désespérée, sujette au remord, pensant que ni Dieu ni les autres ne lui pardonneront. Celui qui pense ainsi ne voit pas d'issue à ce qu'il pense être un rejet définitif par Dieu et par les autres...et finalement par lui-même. Victime de tous et de tout, il tente parfois de s'attacher à quelqu'un, mais toujours selon un mode "fusionnel". C'est à dire que, pour obtenir l'amour de l'autre, il entre dans une dépendance aliénante vis à vis de lui, allant jusqu'à renoncer à sa propre personnalité. Ce soi-disant amour attise en lui une très forte agressivité pour celui ou celle qui en est l'objet, tant il est vrai que nous ressentons durement, au fond de nous, toute atteinte à notre personnalité notre dignité. La réaction agressive qui en découle se déchaîne alors, tôt ou tard, contre l'autre : c'est "l'amour haine". Mais elle se manifeste aussi contre soi-même sous forme de dépression.
Que la victime soit "révoltée" ou "écrasée", il y a chez elle une absence au niveau de la composante "don" de l'amour et une déviation au niveau de la composante "accueil".
La "victime" est incapable de donner un amour véritable si elle est dans la "fusion". Et, si elle est dans la révolte, elle ne pense qu'à réclamer et ne donne jamais!
De toutes façons, il y a là une déresponsabilisation : on se retranche derrière la responsabilité des autres ou la fatalité (responsabilité de Dieu).Tout cela, en pleine illusion. Ces deux "positions de vie" opposées procèdent, en fait, de la même cause : l'homme" psychique", ou "vieil homme", parce qu'il s'est coupé de Dieu, s'est écarté du chemin qui mène de l'image à la ressemblance et ne réagit plus "en vérité" au "manque" qu'il ressent en lui et aux conséquences de ce manque.
Ces deux positions de vie, bien qu'opposées, en apparence, viennent de la même illusion :celle de croire que nous pouvons répondre à notre besoin d'amour tout en étant coupés de Dieu. Sans Lui, en dehors de Lui, nous ne pouvons vivre un véritable amour : ce ne sera qu'une imitation trompeuse!
Pour retrouver l'amour, il nous faut revenir à la vérité, c'est à dire à celui qui est "le chemin, la vérité et la vie". Ainsi pourrons nous retrouver la véritable "position de vie".
D) INFLUENCE, POUR LA RELATION, DE MON REGARD SUR MOI-MEME ET SUR LES AUTRES
La façon de me regarder et de regarder les autres, de jauger ma valeur et leur valeur, influence ma relation avec eux. Mais cette façon est elle-même en relation directe avec ma position par rapport au Plan de Dieu.
On peut schématiquement représenter mon regard sur moi-même et les autres selon quatre modalités :
- - dans la première, je me regarde négativement en me considérant comme nul par rapport aux autres. La cause en est essentiellement mon « sentiment d’infériorité/culpabilité ». Cela perturbe complètement ma relation avec eux. Il en résulte une non concordance entre ce que je crois être et ce que je sais devoir être, d’où dépression, désespoir, tendance suicidaire. De plus, j’envie les autres et j’ai tendance à considérer comme injuste cette situation, ce qui provoque une colère en moi. Les conditions sont alors réunies pour que je me présente comme « victime » sur le mode « déprimée ». La colère par rapport à une « injustice » débouche généralement sur deux impératifs de « justice » :
- soit la justice de Dieu, qui est le pardon qui m’est très difficile tant que je n’
ai pas remplacé le sentiment de culpabilité par la « conscience de culpabilité ».
- soit la justice des hommes : œil pour œil, dent pour dent, dans l’agressivité et
la révolte. En fait, dans cette première modalité, il y a un blocage qui risque de déboucher
- soit sur le suicide
- soit sur le passage à la seconde modalité car il s’est produit alors une réaction avec prise de conscience que, tout compte fait, les autres ne valent pas plus que moi. C’est la désillusion vis-à-vis de toute l’humanité. C’est le passage à la « victime revendicatrice ».
- – dans la seconde, je regarde tout et tous négativement : vision pessimiste qui débouche sur le désir de tout casser :
- la société, tenue pour responsable et qu’il faut détruire pour la reconstruire à partir d’idées chimériques. D’où refus de se plier aux obligations normales de la vie en société, récriminations accusatrices, agressivité, violence verbale et en actes allant jusqu’au terrorisme.
- ma personne elle-même, que je vais détruire, soit à petit feu par l’alcoolisme, la drogue, les excès et transgressions, sot par des attitudes et gestes suicidaires.
3) - dans la troisième, mon regard sur moi-même est favorable, indulgent, mais en fait, dénué d’objectivité. Je trouve des « explications » qui se transforment en excuses pour tous mes dérapages, mes atteintes à l’amour. Je ne vois ni mes erreurs ni mon péché. Par contre, j’ai sur mon prochain un regard lucide dénué d’indulgence et accusateur : je suis « bien », il est « nul » ! Sans m’en rendre compte, je vais l’écraser, alors même que je prétends l’aider et même l’aimer. J’ai créé un fossé entre lui et moi, plus par méconnaissance que par hostilité, comme le riche qui n’avait pas remarqué Lazare à sa porte mourant de faim, ou comme le « sauveteur » dans sa variété « dictateur ». J’en veux à tous ceux qui, par leur irresponsabilité, compromettent le bon ordre des choses tel que je le conçois et je ne leur pardonne pas. Cela m’irrite et m’agace de constater que, malgré toutes leurs insuffisances, leurs fautes (auxquelles je colle facilement l’étiquette de « péché »), ils réussissent dans la vie. Cela me fait mal ! Cette souffrance que je ressens dénote, de ma part, une jalousie (puisque je suis malheureux de voir leur apparent bonheur défier la morale et la justice que moi je respecte !
En tous cas, la relation, dans ce cas, ne peut être porteuse d’amour. Même si je me dévoue et me sacrifie pour mon prochain, cette relation, non seulement n’induit pas l’amour, mais elle peut favoriser chez l’autre une réaction agressive de protection contre le caractère envahissant, étouffant, de ma personnalité. De plus, je ne récolterai que déception auprès de ce prochain qui fait si peu de cas de mes avis, de mes conseils, de mon secours. Je l’accuserai d’ingratitude !
4) – Quatrième modalité :
Dans les trois premières modalités, je suis totalement à côté du Plan de Dieu sur moi et sur les autres. Ce Plan, c‘est l’obtention du bonheur, par tous, dans le Royaume et déjà ici, grâce à une croissance dans l’amour. Le grand commandement de l’amour, c’est d’aimer Dieu d’abord, car Il est la source de l’amour puis, dans le même mouvement, d’aimer le prochain car Dieu l’aime et désire son bonheur comme il désire le mien. Si mon « regard » sur les autres ou sur moi-même ou sur les deux n’est pas un regard d’amour, je ne puis prétendre que j’aime Dieu !
Par contre, si je calque mon regard vers les autres sur mon regard vers Dieu et que pour entrer en relation avec les autres je passe « par Dieu », c'est-à-dire par l’amour qu’Il leur porte et par son regard sur eux, alors, j’évite tout ce qui, dans la relation directe à l’autre est obstacle, difficulté de compréhension, occasion de blessures. La relation d’aide doit suivre cette modalité
Dés lors, ma façon de regarder l’autre, de le considérer, va totalement changer.
Je deviendrai capable d’une relation d’amour avec lui et mon propre changement, perçu par l’autre va l’inciter, lui aussi à changer…dans sa façon d’accueillir l’aide proposée. En fin de compte, je vais me retrouver bénéficiaire de toutes les grâces portées par l’observance du Plan d’amour de Dieu, pour mon bien et celui de tous. Reste à préciser comment chacun de nous doit acquérir ce regard sur l’autre calqué sur celui que Dieu lui porte. Pour cela, seule la vie d’intimité avec Dieu est capable de le réaliser. Jésus nous a promis de demeurer en nous si nous le recevions. C’est dans le dialogue d’intimité pratiqué avec Lui que nous pourrons nous laisser transformer par la Trinité, de l’intérieur, en vue d’une véritable « écoute et relation d’aide ».
QUELQUES PREALABLES A L’ECOUTE ET RELATION D’AIDE
CONNAITRE AMBIVALENCES ET MALENTENDUS DANS LES RELATIONS
Tant que la relation s’établit au niveau corporel et psycho affectif et non spirituel, elle est perturbée par ces réactions que l’on vient de voir. Il y a confusion entre les différents niveaux de relation, d’où malentendus et ambivalence. Ainsi, une personne peut m’être sympathique au niveau de son comportement affectif, mais je la juge insuffisante au niveau compétence technique, médicale par exemple. De même, j’aime fréquenter telle personne, mais je ressens un malaise auprès d’elle. Cela montre que la relation doit accéder au plan spirituel, niveau auquel pourra se faire un véritable discernement, faute duquel on reste bloqué !
Ce peut être le cas, par exemple, de quelqu’un qui est dans une « double pratique » sur le plan religieux et vit douloureusement une ambivalence car sa relation aux autres et à Dieu reste au niveau corporel, psycho affectif et non vraiment spirituel! On touche là à l’importance de la distinction entre foi et croyances.
DISTINGUER FOI ET CROYANCES
La foi est de niveau spirituel, les croyances sont au niveau psycho affectif, donc parasitées.
Nos croyances viennent du travail de notre intelligence, de l’observation, des déductions, associations, réminiscence, souvenirs, jugement de notre raison…C’est à ce niveau qu’on peut parler, par exemple, des « preuves de l’existence de Dieu », débouchant sur une « croyance en Dieu ». Par contre, la foi, qui comporte, outre les croyances, la confiance, se situe au niveau spirituel.
Nos croyances sont mises à l’épreuve de nos relations aux autres qui vont les confirmer ou les infirmer, et cela toujours sur le plan psychologique et psycho affectif.
Ainsi, si je « crois » que je ne suis pas aimable (sentiment d’infériorité/culpabilité), ma relation avec l’autre aura volontiers une tonalité agressive car je suis dans la crainte du « regard de l’autre » et je crois volontiers qu’il me regarde de travers. Mon agressivité risque d’entrainer une réaction similaire chez l’autre, me confirmant ma non-amabilité. Or, cela est faux : je suis aimable (puisque Dieu m’aime et qu’il demande avec insistance à mon prochain de m’aimer), mais mon erreur sur moi-même m’amène à une attitude agressive vis-à-vis de l’autre. Cette attitude va entraîner de sa part une réaction envers moi confirmant que l’on ne peut m’aimer ! Pour briser ce cercle vicieux, il me faudrait accéder à la vision spirituelle de ce que je suis réellement et chercher pourquoi je me sens agressé, au niveau psycho affectif, alors qu’en réalité je ne le suis pas, sans doute.
Notre foi, au contraire, fait certes une place « raisonnable » aux déductions de notre intelligence, de notre « psycho affectif », mais elle comporte, sur le plan spirituel, la confiance totale en Dieu, communiquée par l’Esprit à notre esprit, sans même le concours de l’intelligence psycho affective (cf Rm 8, 15-17). Grâce à cela, elle est capable de nous fournir le sens spirituel de notre vie, de notre identité véritable. Elle nous fait accéder à la miséricorde et à la compassion, expression de l’amour de Dieu pour nous, que nous pourrons alors exercer vis-à-vis de nos frères dans une relation globale où le spirituel a sa part.
La foi, c’est la croyance plus la confiance ! Seul le passage de la croyance (niveau psychologique, niveau de la Loi) à celui de la foi (niveau spirituel) peut débloquer la relation et la rendre conforme au Plan de Dieu.
SITUER L’ACCUEILLI DANS L’ENSEMBLE DONT IL FAIT PARTIE
C’est déjà le rôle de l’anamnèse, c'est-à-dire l’examen de ses antécédents, de son histoire.
Mais c’est aussi le resituer dans le plan qui englobe avec lui l’accompagnateur.
Il faut considérer l’ensemble de la personne qu’on accueille et non les seuls « symptômes » qu’elle a tendance à déballer devant nous ! Il faut nous « dégager » des symptômes.
LES SYMPTOMES
C’est tout ce dont va se plaindre l’accueilli dans les secteurs corporel, et psycho-affectif de sa personne : « tête vide, palpitations, douleurs à tous les niveaux, insomnie, agitation, malaises variés….. » pour lesquels la médecine n’offre aucune explication satisfaisante (« le médecin ne comprend pas » !). C’est avant tout la disparition de ces symptômes que demande la personne. Il est nécessaire d’endiguer fermement le déballage de cet écran que l’accueilli interpose entre lui et nous et qui empêche d’accéder au niveau où se situe la véritable solution.
Les « symptômes » disparaitront d’eux-mêmes quand le véritable obstacle sera levé.
Rester centrés l’un et l’autre sur les « symptômes », c’est en quelque sorte employer une « technique » pour éviter d’aller au fond des choses, rester sur un plan superficiel (comme le soignant qui appliquerait un médicament sur la peau pour une infection profonde).
NECESSAIRE OBJECTIVITE
Elle est importante et nécessaire dans la relation d’aide.
-Elle est compromise quand existe une trop grande attirance ou intimité, il y a alors mise en commun des zones sensibles de l’accompagnateur et de l’accompagné et l’objectivité devient impossible
Il est donc très difficile d’accompagner un proche.
De même, dans une relation de type « fusionnel » dans laquelle la personnalité de l’un se fond littéralement dans la personnalité de l’autre, où chacun n’existe plus que par l’autre, la relation d’aide est impossible. L’accompagné ne peut se passer, comme « Enfant »,du « Parent » de l’autre. Il n’y a plus de liberté, plus de distance minima entre les deux.
Bien au contraire le « Parent-accompagnateur » doit permettre à « l’Enfant » de l’accompagné de s’exprimer, pour ensuite établir un échange d’ « Adulte » à « Adulte ». Quand l’accompagné a une position de « Parent », par lui-même où par la considération que lui porte l’accompagnateur, cela peut entraîner un blocage.
L’accompagnateur n’est ni supérieur ni inférieur. Il ne doit pas se demander quoi dire ou faire, dans un mouvement de lui vers l’autre. Il doit se demander comment être et comment écouter.
Le but est de permettre à l’autre de prendre conscience des choix antérieurs qu’il a faits et qui sont à l’origine de ses problèmes actuels, pour ensuite poser des choix nouveaux, bénéfiques, en fonction d’une option spirituelle conforme au Plan de Dieu.
La démarche à faire dans ce sens par l’accompagné est favorisée par la capacité d’écoute et d’accueil spirituels perçue par lui chez l’accompagnateur.
Il est important de se rendre compte du niveau dans lequel se situe spontanément l’accompagné : émotionnel, sensible, intellectuel, spirituel….afin de pouvoir le rejoindre à ce niveau dans un premier temps, pour, en temps voulu, atteindre le plan spirituel au niveau duquel s’effectuent les choix profonds !
NECESSITE DE CONVERSION
Chez l’accompagnateur d’abord, qui doit laisser agir l’Esprit, dans la prière afin d’avoir, outre l’écoute psychologique, une écoute spirituelle dans laquelle il n’y a plus ni filtre ni défense.
Ecouter l’autre, c’est d’abord écouter Dieu dans l’oraison afin d’établir le contact par l’intermédiaire de Dieu. En entrant dans le regard de Dieu sur moi pour découvrir que je suis « merveille et pécheur » j’aide l’autre à réaliser pareillement qu’il n’a plus besoin de défenses ni de filtres puisqu’il est aimé, en dehors même de l’utilisation de ceux-ci. Il peut alors opérer sa propre conversion à partir du regard de Dieu qu’il voit désormais sur lui.
L’écoute se fait alors dans une relation trinitaire : - l’accompagné
- Dieu qui l’habite ainsi que moi-même
- moi
La vision, par moi, de la relation d’amour de Dieu avec l’autre, va me permettre de lui montrer le caractère sacré de son histoire afin qu’il puisse y accorder foi ! La « technique » n’est, ensuite, qu’un instrument complémentaire.
PIEGES MAJEURS DANS L’ECOUTE ET RELATION D’AIDE
Dés le départ, il y a piège absolu si l’on considère qu’il y a un fort et un faible, représentés par l’aidant et l’aidé dans une situation de déséquilibre.
L’aide en question permet simplement à l’autre de comprendre ce qu’il est véritablement, ce qu’il vit à travers ses problèmes et de trouver en lui les ressources nécessaires pour poser
de nouveaux choix, conformes au Plan de Dieu. Ses solutions ne seront pas les miennes : je ne suis qu’un « serviteur inutile ».
Il y a, pour moi, une tentation de prise de pouvoir sur l’autre, surtout si la relation me procure des satisfactions affectives !
Il y a danger si la situation de l’autre, ses problèmes rejoignent mon propre passé ou mon présent. Je me trouve alors confronté à ma propre angoisse, vis-à-vis de laquelle je me défendrai, au détriment de l’autre.
Je dois être « avec » l’autre, pas à sa place. Je le « prends par la main », mais c’est lui qui conduit !
QUELQUES ECUEILS A EVITER
- – Le désir de rassurer trop vite : Cela nous empêche déjà d’écouter suffisamment et attentivement, sans accueillir l’angoisse et l’anxiété de l’autre, mais en nous rassurant d’abord nous-même. Il est vrai qu’en tant que personne extérieure, nous avons un jugement plus objectif sur les problèmes de l’autre. Mais il est essentiel de laisser l’autre s’exprimer sur le terrain où il est en souffrance, afin de pouvoir l’y rejoindre.
En réalité, notre propre anxiété est provoquée par la mise en danger de notre « idéal », quand le problème de l’autre vient semer le doute en nous à propos de nos convictions.
Par exemple quand l’autre est dans un malheur a priori « immérité » et qu’il montre une certaine révolte ! (cf la réaction de Pierre devant l’annonce, par Jésus, de sa passion et de sa mort !). Il nous faut accepter notre incapacité à soulager totalement la souffrance de l’autre ! Il nous faut aussi réfréner notre envie de faire partager tout de suite notre « idéal » du moi et notre idéal tout court.
- Conseiller et donner des solutions trop vite : j’aurai tendance à cela, comme les amis de Job, quand je ressens la même impuissance, la même vulnérabilité que l’autre.
Il nous faut accepter la perte de nos « croyances » rassurantes pour parvenir à la « foi » dans le « saut sans élastique » de la confiance !
- Consolations stéréotypées et trop précoces, sans laisser à l’autre le temps de réaliser
son travail de deuil. Présence, écoute, attitude compatissante doivent, au contraire, favoriser la progression du travail de deuil.
- Argumenter, alors que l’autre est en pleine émotion et, par conséquent
imperméable à tout argument logique. Par exemple, quand l’autre est dans un énorme sentiment d’infériorité provoqué par le mépris d’autrui, lui dire qu’il doit, pour son soulagement, pardonner à ses détracteurs. C’est vrai, mais il faut d’abord liquider au maximum les réactions émotionnelles. De même dans les fréquentes situations vécues comme injustes.
- Moraliser : en particulier en se permettant de donner « de la part du Seigneur » des
ordres qui ne viennent, en fait, que de moi-même et reflètent mes réactions personnelles non encore converties ! C’est aller à l’encontre de la volonté de Dieu qui veut, à travers l’accompagnement, ma conversion personnelle d’abord !
- Juger et blâmer : c’est encore plus grave et souvent notre réaction en face de
l’agressivité de l’autre, ou, au contraire en face de sa fragilité face aux souffrances provenant de son entourage, nous fait perdre l’objectivité nécessaire. Parfois au point de « prendre parti » pour ou contre, ce que nous n’avons pas à faire, même si c’est dans l’intention de consoler. Il nous faut rester objectif !
- Infantiliser, se permettre une attitude PARENT/ENFANT vis-à-vis de l’autre, une
familiarité excessive qui favoriserait, chez l’autre, une perte de l’estime de soi.
Il nous faut, au contraire « redevenir petit enfant » nous-même et prendre conscience de notre état de pécheur pour le supporter chez l’autre !
- Esquiver les questions embarrassantes par un faux humour : par exemple, à
quelqu’un qui déclare ne pouvoir survivre à son problème, répondre qu’on mourra peut-être avant lui !
- Souligner à l’autre ses contradictions : on peut être tenté de cela, pour le « ramener » à la réalité. Ce serait ignorer l’ambivalence qui l’habite, la ligne de crête sur laquelle il chemine avec l’appréhension de chuter d’un côté ou de l’autre. Il ne faut pas, chez lui, tuer l’espoir …ni l’appréhension qui, l’un comme l’autre, lui permettent de « tenir ».
C’est particulièrement vrai chez le malade qui se débat entre la vie et la mort !
10) Questionner ou agir alors que l’autre est dans une phase de silence : le respecter !
Lui laisser l’initiative de reprendre le dialogue.
11) Céder au désir fusionnel : Soi-disant pour être plus proche de l’autre, je veux vivre
ce qu’il vit ! Sa peur devient ma peur et, en fin de compte, ce n’est plus lui que j’écoute, mais mon ressenti que j’entends !
A l’opposé, si je prends trop de distance, je ne réponds plus au besoin d’être écouté !
CONSEQUENCES DE LA RELATION D’AIDE
A travers la relation d’aide, Dieu attend la réalisation de son Plan : un progrès pour l’autre, mais aussi ma propre conversion.
Je vais découvrir ce qui m’habite, à travers les réactions qui montent en moi lors de l’écoute, car celle-ci ne peut être « neutre » ! Je ne dois pas ignorer ces réactions et les nier. Je dois accepter d’en ressortir interpellé, changé, converti et émerveillé !
Cette interpellation et ce changement sont, pour moi, une grâce de conversion.
Je dois accueillir ce cadeau, comme les autres cadeaux que celui que j’aide désire me faire. Ainsi se rétablit l’équilibre entre nous : j’évite de me considérer « sauveteur ».
Rien n’est plus significatif de l’établissement d’une relation juste avec l’autre, « l’aidé », que l’insistance de ce dernier pour me faire un cadeau « d’adieu » quand approche la séparation : je dois l’accepter, normalement, dans l’humilité.
Comme disait Saint Vincent, nous avons à « nous faire pardonner » l’aide que nous apportons à l’autre.
NECESSITE D’UNE SUPERVISION
Tout cela montre à l’évidence que nous ne pouvons entreprendre une relation d’aide tout seul.
Nous devons, nous aussi, nous faire aider. C’est le rôle de la supervision.
Cette supervision, effectuée avec d’autres écoutants partageant notre souci d’opérer dans le Plan de Dieu, porte sur :
- L’analyse des obstacles vécus par celui que l’on aide, le discernement de leur origine des choix erronés qui ont amené la survenue de ces obstacles, leur retentissement, la recherche de solutions.
- Mais aussi l’analyse fraternelle de mon propre comportement dans cette aide. Il est donc nécessaire que je fasse part de mes réactions, de ce que cette aide fait remonter en moi et dont les « frères » et « sœurs » qui me supervisent ont une vision plus objective que la mienne. C’est dire que cela ne peut se faire que dans la prière, tout comme le travail d’écoute et d’aide lui-même !
Août 2015