IDENTITE
Chapitre VII
MALFACONS AU NIVEAU DES STRUCTURES SOCIO-ETHNO-CULTURELLES DE NOTRE IDENTITE
Afin de les identifier, nous allons partir d’un exemple de péché : celui de David dans 2 Sam 11 et 12, qui, en fait, est un péché de structure, alors que le véritable « péché de David », son péché personnel, figure dans 2 Sam 24.
LE PECHE DE DAVID
Le péché « de structure » met en jeu la solidarité d’une catégorie d’hommes et de femmes à travers des générations successives et aussi dans une même génération. Il s’agit du peuple juif qui veut rompre son alliance avec Dieu. Tout part d’un péché initial ! Il s’agit bien d’un péché, puisque c’est la rupture d’une relation d’amour.
(1 Sam 8,7) « ils ne veulent plus que je règne sur eux !». (lire le ch. 8 de 1 Sam. en entier)
Il en résulte chez tous les membres de la structure (le peuple juif), une altération des relations normales entre Dieu et eux, donc entre eux, avec altération de leur discernement entre le bien et le mal pour tout ce qui touche à cette relation.
Ici le péché initial ne dépendait pas de David… mais les conséquences s’en sont retrouvées dans la génération de David et chez David lui-même : il ne discerne plus sainement. Parce qu’il est roi, il se croit tout permis, prend la femme d’Urie et fait tuer celui-ci… pour sauver les apparences (soi-disant !).
Quant à ceux qui entouraient David, ils ont, eux aussi, « baissé » la « barre » au niveau de leur conscience, là où il y avait « faute ». Ils n’ont pas trouvé anormal d’aller chercher la femme d’Urie (sachant bien, pourtant que, si David la faisait venir chez lui, ce n’était pas seulement pour « prendre un verre »), ni d’exécuter le plan criminel de David (2 Sam 11,16-22) concernant Urie.
Les responsabilités se diluent, entre les uns et les autres, à l’intérieur de cette structure de péché où règne l’hypocrisie. C’est ainsi que, tout en commettant pour le moins une « faute » caractérisée, en prenant chez lui Bethsabée, David veille scrupuleusement à ne commettre aucune « infraction » par rapport au délai de veuvage de Bethsabée et par rapport à son « impureté » physiologique (2 Sam 11, 27 et 2 Sam 11,4). Il semble, dans le même temps ignorer la distorsion entre son attitude et la loi d’amour de Dieu.
D’ailleurs, lorsque Natan lui pointe son hypocrisie, il ne réalise pas, tout d’abord, celle-ci (2 Sam 12, 5). C’est seulement lorsque Natan l’aura éclairé qu’il se posera la question de son « péché » personnel, encore qu’il semble bien ne l’avoir compris que comme une « faute ». De même, ceux qui entouraient David ne semblent pas s’être posé cette question lors du déroulement de cette affaire.
C’est pour cela que David « marchande » ensuite avec Dieu afin d’obtenir la vie de l’enfant (2 Sam 12, 16). A cette occasion, d’ailleurs, les serviteurs de David se désolidarisent du « péché de structure » et osent réprimander leur roi pour lui faire comprendre que son attitude n’est pas conforme à un véritable repentir (2 Sam 12, 21)
Au contraire, dans l’épisode du recensement (2 Sam 24), David commet un péché strictement personnel. Là, plus question « d’infraction » ni de « faute » mais rupture de confiance vis-à-vis de Dieu : David met sa confiance dans ses propres forces en faisant procéder au recensement au lieu de s’en remettre à Dieu dans l’abandon, conformément à « l’alliance » d’amour : c’est contre l’amour, c’est un péché. Dans le même temps les proches de David, eux, se dégagent du péché de structure dans la mesure où ils osent critiquer la conduite de leur roi (2 Sam 24,3). Néanmoins, ils vont obtempérer, et tout le peuple avec eux, assumant ainsi une certaine responsabilité dans ce qui ne manquera pas de survenir.
David réalisera pleinement la réalité de son péché (2 Sam 24, 10), et, cette fois-ci, n’esquivera pas les conséquences de sa responsabilité (2 Sam 24, 17).
De cet exemple, on peut déduire : l’importance du péché de structure qui vient mettre obstacle à la véritable identité que Dieu veut pour chacun de nous, au niveau de sa composante socio-éthno-culturelle. Même si chacun de nous n’a pas de responsabilité dans le péché qui a été à l’origine de la viciation de la structure en question, nous en subissons les conséquences, solidairement, avec tout ceux qui participent à la même structure, sous forme d’une altération de la loi extérieure à laquelle nous sommes soumis, et de la loi intériorisée et acceptée par nous au niveau de notre conscience : cette dernière est altérée et notre jugement faussé, nos réactions inadéquates, porteuses de distorsions sur le plan moral.
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Dès lors, il nous faut analyser les malfaçons identitaires qui sont à l’origine au niveau socio-ethno-culturel, les choix qui sont à l’origine du péché de structure pour les modifier dans le sens voulu par Dieu.
ORIGINE DU PECHE DE STRUCTURE
Certaines malfaçons de notre identité au niveau de nos structures socio-ethno-culturelles mènent au péché de structure et contribuent à l’entretenir dans la société à laquelle nous appartenons.
Si nous voulons nous en dégager, il est nécessaire d’analyser le mécanisme de sa mise en place, de retrouver les choix défectueux posés à l’origine, en cours de route, et sans cesse reconduits ou confirmés par nous.
Nous allons donc, reprendre l’histoire de David pour découvrir à partir de quel genre de choix se constitue le péché de structure, pour détailler les conséquences qui en découlent en cascade et qui nuisent à la construction de notre identité (cf schéma HA 1)
Cela nous permettra d’aborder ensuite les péchés de notre propre groupe socio ethno culturel, dans un second temps.
Mise en place des péchés de structure – à partir de l’histoire de David
Le mécanisme est le même que pour le « péché originel ». Au point de départ, une tentation de méfiance par rapport à Dieu (GN 3 1,5), à ce qu’il propose : cette « alliance » …est-ce si bénéfique ? Ce Dieu n’est-il pas trop exigeant, trop sévère ? N’apparaît-il pas comme un empêcheur de danser en rond ? Le peuple juif se pose ces questions, et regarde d’un œil complaisant les autres peuples qui, eux, se passent de Dieu ! … et ont divinisé leurs convoitises sous forme d’idoles bien tentantes.
Ce peuple, dès lors, recherche le moyen de rejeter la « tutelle » de Yahvé, et voit l’instauration de la royauté comme une avancée dans ce sens. Dieu ne se fait aucune illusion, son peuple le rejette, se détache de Lui (1 Sam 8, 7-9).
Les juifs s’éloignent donc de Dieu dans la méfiance, et vont, de ce fait, s’éloigner aussi les uns par rapport aux autres, car c’est Dieu qui réalisait leur unité.
Ils s’éloignent dans l’oubli de tout ce que Dieu a fait pour eux par sa Toute Puissance, directement, sans l’intermédiaire d’un roi.
Ils sont persuadés pouvoir trouver leur plénitude en eux-mêmes, par eux-mêmes (avec leur roi) (1 SAM 8, 19-20) malgré les avertissements de Samuel (1 SAM 8, 11-18). Déjà, les conséquences de la méfiance, de l’éloignement, de l’oubli, par rapport à Dieu, se font sentir : absence de discernement, confusion qui ne permet plus un jugement sain, solitude (accentuée par l’hostilité des peuples voisins contre laquelle ils ne recherchent pas vraiment la protection de Yaveh !) … et peur. En fin de compte, détachés de Dieu, dans l’illusoire protection d’un roi, les juifs sont en état de manque (v 20) : ils étaient faits pour vivre une alliance d’amour … et se retrouvent, par leur faute, coupés de l’AMOUR c'est-à-dire de YAHVE.
Ce manque a, pour corollaire automatique, le sentiment de culpabilité : pourquoi sommes-nous mal-aimés, rejetés ?
L’agressivité et la violence qui en découlent, vont marquer cette société du peuple juif sous la royauté.
Dans cette société, qui baigne dans un manque par rapport à l’AMOUR, chacun va réagir selon l’un des trois modes caractéristiques de « l’homme charnel »
Soit le mode égocentrique, captatif orienté vers toutes les convoitises, ainsi pour David qui, non content d’avoir de multiples épouses et concubines officielles, va jeter son dévolu sur Bethsabée, la femme d’Urie. On convoite la chair, les richesses, les prises de guerre (2 Sam 12,29-31)
Soit le mode « fermeture du cœur » à la loi d’Amour de Dieu : non respect des droits de chacun – ainsi, pour David, non respect du lien conjugal d’Urie et Bethsabée – tout en respectant les réglementations « extérieures ». C’est la société d’hypocrisie.
Ces deux modes de réaction sont, l’un et l’autre signe d’une indépendance par rapport à Dieu et aux autres.
Mais le mode de réaction peut être, par contre, celui d’une dépendance aliénante ou obéissance militaire au chef. En servant sans broncher les convoitises de David et même son projet criminel sur Urie, les hommes de l’entourage de David font preuve d’une dépendance coupable vis-à-vis du pouvoir royal, et nous montrent bien les effets du sentiment d’infériorité-culpabilité. C’est celui-ci qui les pousse à suivre le mouvement, à être conformes à l’opinion ambiante, rechercher l’approbation du pouvoir, être « dans le vent ». Mais cette dépendance coupable est aliénante, car au détriment de leur dignité, de leur personnalité, de la véritable identité que Dieu veut pour eux. Yahvé veut les hommes au service de la justice et non du crime. Ces hommes se comportent comme des moutons… et non comme des brebis du troupeau de Yahvé ! Ils tirent leur fierté de l’appartenance à un peuple qu’ils prétendent être le « peuple de Dieu » : Fierté nationale dont les racines ne plongent pas dans l’amour de Dieu mais la gloire des hommes. « Ce peuple m’honore des lèvres… mais son cœur est loin de moi »…
Voici donc constituée une structure de péché : une société dont les règles sont un obstacle au cheminement de chacun de « l’image » à la « ressemblance » dans une croissance de l’amour et de la personnalité. Une société dans laquelle chacun « tire son épingle du jeu » pour la satisfaction de ses convoitises personnelles où chacun se protège des autres en durcissant son cœur, chacun aligne son comportement général pour ne « pas avoir d’histoire et se faire bien voir ».
Cette situation étant ce quelle est, comment déterminer les responsabilités de chacun dans sa constitution et sa pérennité (voire dans sa dégradation). Le péché initial, il y a longtemps qu’il a été commis, par les juifs du temps de Samuel, et l’entourage de David est né, a grandi dans cette structure de péché. David et ses compagnons ont été éduqués là-dedans. On leur a présenté comme valeur ce qui n’en était pas (par exemple, l’absolutisme royal sans limite et sans contrôle). Même si certains ont discerné au fur et à mesure ce qu’il y avait là d’anormal, de non conforme à la volonté de Dieu, ils ont dû taire une opinion dont l’étalage leur eut valu sans doute une élimination pure et simple.
Mais en prenant de l’âge, en assurant des responsabilités de plus en plus importantes, familiales, sociales, politiques… ils ont compris qu’il leur appartenait d’infléchir les principes défectueux de cette société : ainsi Natan (2 Sam 12), les serviteurs de David (2 Sam 12,21), et, plus tard Joab (qui n’avait pas toujours fait preuve d’un tel courage, et ose reprocher à David l’idée du recensement (2 Sam 24,2-3), se démarquent du péché de structure de leur société … dans une certaine mesure tout au moins.
Ce qui est remarquable, c’est que tout ces efforts, si minimes soient-ils, pour sortir du péché de structure et en affranchir la société, sont, en fait, des tentatives de clarification : là où régnait la confusion, il s’agit d’apporter la lumière.
Ainsi, Natan fait venir à la lumière le crime de David, les serviteurs de celui-ci démontrent au roi les contradictions de sa conduite, Joab dénonce la rupture de confiance que signifie le recensement, par rapport à Dieu, et par conséquent le péché que cela constitue. C’est cela même que Jésus nous recommande dans LC 8, 16-17 « rien n’est caché qui ne doive paraître au grand jour ».
C’est par l’apport de la lumière qu’une société donnée va commencer à se dégager du péché collectif de structure.
Il en est, en effet, de la société comme de tout individu qui est appelé par Dieu à quitter sa structure de vieil homme, charnel, psychologique, pour devenir homme nouveau, spirituel, en communion d’amour. Les ponts qui permettent ce passage, sont les mêmes : ce qui vaut pour chacun, dans une société donnée, vaut pour l’ensemble. C’est lorsqu’un certain nombre d’hommes et de femmes auront personnellement effectué le passage, que ce levain fera lever toute la pâte, fera basculer cette société vers une communion de fraternité, d’amour.
Quels sont ces ponts ? Le principal, le primordial, qui est en lien avec la prise de conscience dont on vient de parler, c’est la « conscience de culpabilité ». Contrairement au sentiment de culpabilité qui n’est que tromperie sur notre nature véritable, la conscience de culpabilité est la mise en lumière de notre réalité de « merveille » pour Dieu, aux yeux de Dieu, et, en même temps, de la réalité de notre état de pécheur …mais de pécheur pardonné, dans le repentir, grâce à la miséricorde de Dieu.
Cette prise de conscience de ce à quoi nous sommes appelés en tant que merveille pour Dieu, prise de conscience de notre véritable identité de fils de Dieu appelés à la ressemblance, se fait dans la droite ligne de notre choix fondamental d’accueil du DON de DIEU.
Le repentir nous amène à faire correspondre les choix concrets, journaliers, secondaires, avec ce choix fondamental. Ainsi le repentir de David (2 SAM 24,10-14-17), à travers lequel nous voyons le « pont » du repentir complété par celui de l’aveu.
Les autres « ponts » : la traversée de l’angoisse dans la louange, le sens donné à la souffrance comme « participation », sont en lien étroit avec « l’abandon à Dieu », le choix de « perdre sa vie » (JN 12,22-30). Peu ou prou, les autres acteurs de l’histoire de David, qui auront choisi de réagir à la structure de péché, sont entrés dans cette perspective de « perdre leur vie ».
En effet, ils ont pris le risque d’être rejetés de cette société, d’en perdre tous les avantages matériels, voire même de perdre la vie … en osant dire la vérité, faire la lumière.
Ainsi, Natan qui, en tant que prophète, s’est abandonné à la volonté de Dieu et risque sa vie en disant la vérité au roi. Ainsi, les serviteurs qui risquent leur place, et Joab, qui risque son commandement.
Tous ont commencé par renoncer à leur « point d’orgueil », ce lieu de nous-mêmes où nous sommes convaincus d’avoir réussi dans la vie par nos propres forces, et sans Dieu ou même contre Dieu, dans la complicité avec les structures du péché. Ce faisant ils sont sur la bonne voie pour retrouver leur véritable identité.
Tout ce mouvement de franchissement des « ponts » allant du « charnel » au « spirituel », à partir du choix fondamental, actualisé dans le concret de la vie quotidienne, va dans le sens de la liquidation d’une structure socio-ethno-culturelle de péché et du rétablissement de l’identité de chacun au niveau de sa composante personnelle correspondante.
IDENTITE ET PECHE DE STRUCTURE
Après avoir étudié, dans un premier temps, le péché de structure dans l’histoire de David : sa mise en place, ses conséquences dans la société de l’époque, les « portes de sortie » possibles rapportées dans cet épisode biblique, il nous faut étudier le péché de structure en général et voir comment il intéresse notre propre identité dans la structure socio-ethno-culturelle qu’est la nôtre.
On peut distinguer : le « péché » originel, le péché personnel, et le péché structurel.
Le péché originel découle du péché initial personnel d’Adam et Eve, véritable péché puisque remplissant les conditions quant :
- à la matière : il s’agissait d’un obstacle à l’amour, d’une atteinte à l’alliance d’amour entre Dieu et l’homme.
- à la responsabilité de ceux qui le commettaient : Adam et Eve avaient agi volontairement, en toute lucidité.
Il en est résulté une blessure de l’humanité, dans sa nature même, une rupture d’avec Dieu, avec propension au mal (qui est « absence de bien », déchirure, trou dans la « tapisserie » merveilleuse de la création), altération du Plan de Dieu.
C’est solidairement que l’humanité a été atteinte par cette blessure dont le Christ est venu guérir les conséquences en apportant le salut par la grâce, proposé solidairement à tous les hommes. Salut auquel chacun est appelé à adhérer par la FOI. Solidaires dans la blessure originelle, les hommes le sont également dans la grâce.
Le péché de structure
Il concerne un groupe d’individus plus ou moins nombreux. Ces personnes ont en commun des structures sociales, économiques, professionnelles, religieuses, culturelles, ethniques … ou seulement certaines d’entre elles, mais rarement une seule de ces catégories de structures, tant il y a d’intrication entre elles.
Ainsi, la composante religieuse s’accompagne-t-elle, la plupart du temps, de composante culturelle, voire ethnique, très imbriquées avec la première.
Les personnes de ce groupe adhèrent aux principes qui régissent ces structures, même si elles les critiquent plus ou moins. En tous cas, elles en sont solidaires et partagent la plupart des convictions que véhiculent ces structures.
Or, certaines de ces convictions sont en opposition au Plan de Dieu sur l’humanité.
Contrairement au péché originel, le péché de structure ne touche pas l’homme dans sa nature, sa constitution, mais dans son fonctionnement. Quelque part, il fait obstacle à la marche de l’ensemble du groupe, et de chacun en particulier, de « l’image » à la « ressemblance ». Il entraîne un défaut de construction de l’identité de chacun des membres du groupe.
Le péché de structure résulte, à l’origine, d’un péché initial qui est adhésion d’un certain nombre à une vision commune des choses en opposition au PLAN de DIEU, en opposition à l’AMOUR. Ceux qui ont ainsi « mis en route » le péché du groupe ont peut-être disparu, depuis longtemps. Ceux qui leur succèdent ne sont donc pas responsables du péché initial commis (comme dans le péché originel).
Cependant, ils portent la responsabilité, personnelle et collective, de la continuation du dysfonctionnement résultant du péché initial.
Il y a donc matière à péché puisqu’il y a obstacle mis à l‘AMOUR. Il y a responsabilité, mais, la plupart du temps, pas d’adhésion personnelle totale, volontaire et lucide à ce que le groupe apporte, de par sa structure même, comme obstacle à l’AMOUR.
Par contre, et c’est plutôt là que joue la responsabilité personnelle et donc le péché personnel, il y a adhésion pleine et entière (même si elle comporte des critiques) à la structure socio-ethno-culturelle … à cause des avantages qu’elle procure, par exemple : donc défaut de lucidité par rapport à cette appartenance.
Ainsi, dans notre société, l’exclusion pratique d’un grand nombre résulte d’un péché de structure dont la mise en place, par un péché initial, ne concerne plus directement aucun de nous. Mais notre responsabilité joue dans la mesure où, pour conserver certains avantages qu’on verra plus loin, nous acceptons de faire durer le péché de structure qui a entraîné cette exclusion.
Il en était de même à l’époque de l’esclavage, péché de structure typique, dans l’installation duquel les réunionnais du 18e siècle n’avaient aucune responsabilité, mais dans la continuation duquel ils étaient impliqués, en raison des avantages retirés par certains d’entre eux (tout comme d’ailleurs, les habitants de métropole de l’époque).
L’adhésion volontaire et consciente à une structure de péché nous fait donc éventuellement, passer du péché de structure au péché personnel, non pas activement, si l’on peut dire, mais plutôt par omission si, détenant les clefs pour ouvrir et débloquer une situation, on refuse d’ouvrir, d’entrer, et qu’on empêche les autres d’entrer, comme le disait Jésus des pharisiens.
Le péché initial, à l’origine du péché de structure, quel est-il ?
Le démon qui en est l’initiateur, fait preuve d’une remarquable constance dans ses méthodes. Cela commence toujours par la méfiance vis-à-vis de Dieu (cf Gn 3), méfiance vis-à-vis des propositions de Dieu, vis-à-vis de l’AMOUR, avec, pour corollaire, la volonté d’avoir sa plénitude par soi-même, sans Dieu. D’où le choix de l’athéisme et, en conséquence, le culte de l’intelligence, de la force … bref, le culte de l’homme…mais séparé de Dieu, indépendant.
Ou bien, si l’on ne va pas jusque là, transformation de Dieu en idole qu’on affuble de traits imaginaires : le Dieu juge implacable, qui prédestine les uns et les autres à l’enfer. Cette prédestination visant à séparer en fait, les hommes en deux catégories : les exploiteurs et les exploités … avec la soi-disant bénédiction divine pour les premiers … et les consolations, s’il en reste, pour les derniers.
Ainsi voit-on l’influence de certaines hérésies (telles que le Jansénisme, qui a fait ici quelques ravages), sur certains péchés de structure caractérisés. L’adhésion d’un certain nombre au péché initial fait basculer la structure dans celui-ci.
Les conséquences du péché initial sur toute la structure, tout le groupe, ne tardent pas à se faire sentir : éloignement de Dieu, oubli de Dieu, oubli de l’AMOUR, solitude, peur (laquelle engendre des réactions inappropriées : agressivité, violence, répression…).
Sentiment de manque, sentiment de culpabilité, agressivité… et les trois réactions qui en découlent : d’égocentrisme et de convoitises, ou bien de fermeture du cœur, cruauté, insensibilité à la misère, à l’exclusion, etc. Ces deux réactions étant caractéristiques d’une prise d’indépendance.
Par contre, la réaction peut se faire (sans exclure pour autant les deux premiers types) vers une dépendance aliénante par rapport à la structure, par rapport au groupe. On marque à fond sa solidarité avec le groupe, la structure dont on tire fierté de lui appartenir (c’est mon milieu, ma classe sociale, et j’en suis fier), et on accepte de perdre sa personnalité pour s’entendre dire, par son milieu, qu’on est « quelqu’un de bien » !
Toutes ces réactions possibles, au sein du groupe, de la structure dont on porte alors pleinement le péché, elles sont marquées par la confusion et l’illusion, savamment entretenues par « l’adversaire ».
C’est ainsi que l’échelle normale des valeurs est complètement faussée : on fait passer l’intérêt personnel avant l’intérêt général et à son détriment. Pour faire aboutir ses revendications (certes peut-être légitimes) on n’hésite pas à prendre en otage des innocents (qu’il s’agisse de détournement d’avion ou de barrages routiers… le principe est le même).
Le faible, parce qu’il ne peut s’exprimer, n’a plus accès aux droits les plus élémentaires, tels que le droit à la vie (contesté dans l’avortement) ou à la liberté (contesté dans l’esclavage).
La confusion aboutit à la contre-vérité et au mensonge : par exemple, on fait croire que la dignité de l’homme vient du regard favorable que lui porte la société, et non du fait qu’il est appelé à la « ressemblance ». Donc, si la société regarde certains comme « inutiles » et gênants, ils n’ont plus qu’à disparaître (conséquence : eugénisme, euthanasie).
Sous prétexte de préserver d’une vie de misère un enfant à naître, on le tue par avortement… alors qu’en réalité c’est la société ou les parents qui veulent se préserver des retombées (certes douloureuses, ô combien) d’un handicap : on préfère cette contre-vérité pour garder bonne conscience.
La confusion n’est pas la seule conséquence du péché de structure. Celui-ci entraîne une influence nocive sur nos relations, principalement au niveau de notre étage de fraternité : agressivité, violence, haine, entre groupes sociaux, ethniques, culturels, religieux, opposés.
Nous entrons dans une vision humaine, un plan purement humain dirigé vers l’auto-plénitude, avec, par conséquent, rejet du plan de Dieu, exprimé dans GN 1, 28 « soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la… »
Le péché initial : « ils ne veulent plus que je règne sur eux » débouche, parce qu’il a entraîné la peur dans son sillage de méfiance, sur le malthusianisme. Celui-ci est crainte d’avoir à partager l’objet de nos convoitises. Il est donc rétraction, étroitesse de vue, peur de l’avenir, limitation outrancière des naissances, culture de mort, exaltation de l’avortement, limitation de la productivité et de la production plutôt que leur organisation dans une perspective d’expansion
Alors que les besoins des hommes, de tous les hommes, sont immenses, dans une perspective de croissance harmonieuse, alors qu’en regard, les capacités de les satisfaire n’ont jamais été aussi grandes (de par l’importance de la main d’œuvre, de la formation de celle-ci, des moyens matériels résultant des progrès scientifiques), la peur, la suspicion, la répression, boucle le cercle vicieux du chômage. On peut y ajouter pêle-mêle : l’injustice, la jalousie, les magouilles, l’égoïsme effréné… bref, tout ce qui vient de nos « réactions d’indépendance » allant de pair avec une dépendance aliénante et fataliste vis-à-vis de cette structure de péché.
COMMENT SORTIR DU PECHE DE STRUCTURE
ET REMEDIER A CETTE MALFACON
DE NOTRE IDENTITE SOCIO-ETHNO-CULTURELLE ?
La solution au péché de structure, donc la remise en route, vers sa véritable identité, de toute une société et des individus qui la composent, passe par l’étude de ce péché.
On a vu qu’il résultait d’un péché initial, qui, au départ, est le fait de quelques uns, voir d’un seul homme qui en est en quelque sorte, le « starter ». C’est l’adhésion ultérieure du grand nombre qui fait basculer la structure dans le péché.
Dès lors, ce sont la confusion, le mensonge, la peur, qui pérennisent et aggravent le péché de structure et le font pénétrer dans les différents domaines de la vie du groupe : économique, social, familial, religieux, culturel…
Ensuite, les conséquences prennent forme dans les différents domaines et acquièrent une sorte d’autonomie qui assure leur pérennité au niveau de problèmes bien individualisés : ainsi pour l’esclavage, l’avortement libre et gratuit, le chômage…
Devant un péché de structure, on peut agir à plusieurs niveaux :
1 – Celui du péché initial : mais souvent celui-ci s’est inséré comme par surprise dans le groupe. Lorsqu’il devient manifeste c’est qu’il a contaminé déjà un nombre suffisant d’individus pour faire basculer le groupe dans le péché de structure.
A ce niveau on peut proposer une évangélisation basée sur le kérygme, approchant chaque personne dans ce qu’elle a de plus profond, ses problèmes personnels plus que